A l'opposé de tous ces auteurs écrasés par le poids de leur oeuvre et entretenant avec celle-ci des rapports quasi religieux, le maniement de la plume ne sacralise nullement ma liberté, ne tourmente pas ma pensée, ne perturbe point mon sommeil. Les gens en proie à ces espèces de délires "rimbalesques" leur conférant une importance de cloche d'église ne sont que des bardes voués au vent.
Un texte ressemble à une confection culinaire. Pour moi l'écrit c'est de la cuisine pour l'esprit, plus ou moins fine, plus ou moins digeste, plus ou moins savoureuse.
Mais certainement pas une prétendue sécrétion céleste qu'il faudrait systématiquement placer sur quelque foutaiseux autel dédié à la Sainte Littérature, au nom de l'ego de ces égaux gogos !
Ou alors rarement, quand elle émane de têtes supérieures.
Mais surtout pas lorsqu'elle est issue de ces molles cervelles pleines de prétention et vides de mots justes ! Contrairement à ce que croient tous ces malades imaginaires des belles-lettres ne sachant pondre, en réalité, que de flasques baudruches. Il y a tant de prétendants aux lauriers...
Il n'y a pas plus de gloire légitime à étaler de l'encre sur du papier qu'il n'y a d'éclatante malédiction à être un rêveur blâmé. Un poète incompris est tout bêtement un mirliton, un phraseur. Ou un barbouilleur qui a une écriture illisible. Rien de plus.
Le mal de l'écrivain n'est qu'une imposture. Une mode mondaine qui certes dure depuis quelques siècles, mais qui finira bien par passer un jour quand les fumistes cesseront de polluer le paysage littéraire. Une fois le livre rédigé, lu, digéré, il peut avantageusement servir de cale pour les tables bancales. Volumineux, il peut encore faire office de solide tabouret de fortune afin que le romancier trop las y pose dignement son séant.
Les vrais bons artistes ont un rapport heureux à leurs fruits. Ils ne ressentent aucun malaise de prestige à se consacrer à leur art. Ils font tout simplement de la bonne tambouille. Et les authentiques gastronomes savent les reconnaître : ils se délectent entre eux, laissant à leurs divagations les mauvais popotiers dans leur cantine en compagnie des écoliers qui boivent sans broncher et avec une masochiste admiration à la coupe amère de la médiocrité.
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