Elles dorment, étendues dans l'infini, telles des géantes de feu aux rêves
éblouissants.
Bercées par les flots lents des temps immémoriaux, plongées dans les abysses du silence cosmique, elles étreignent l'éternité de leurs bras paresseux.
Indifférentes à nos minuscules échelles de fourmis qu'elles ignorent, à l'usure de nos pierres qu'elles surpassent d'un clignement d'étoile, à nos civilisations trop brèves qu'elles survolent d'un coup d'aile, elles côtoient l'illimité, ne visent que l'inconcevable, n'attendent que ce qui n'a point de fin.
Dans toute la Création, rien n'est plus vaste que leurs chevelures de
déesses. Même les moindres de leurs replis demeurent incommensurables.
Chacune d'elles incarne l'océan des océans qui déborde de l'Univers.
Les siècles à leurs yeux sont des secondes. Les millénaires peuplés de flammes et chargés de matières en mouvement leur paraissent aussi furtifs et insignifiants que le sont pour nous les vols de moucherons. Et les millions d'années qui passent er repassent, interminables, sans cesse recommencées, ont la
légèreté des papillons. Pour peser l'équivalent de l'ombre d'une plume à
côté de ces monstres, il faut avoir une pensée de montagne. A leurs pieds, nous ne sommes que des particules. Des atomes de fumée.
Chez elles, tout se compte en vertiges et mystères : c'est la mesure des
dieux, non des hommes.
Et ici mes mots ne parviennent plus à être assez grands pour décrire ce qui
dépasse nos vues étriquées de mortels. Nous vivons cent ans, elles brillent plus
longtemps que le souvenir de la poussière de nos os.
Seules nos âmes sont plus durables. Mais tout le reste, elles l'écrasent et l'ensevelissent.
Les galaxies, aussi démesurées soient-elles, ne sont pourtant que des grains de sable éparpillés dans l'immensité céleste.
Chacune de ces insondables, gigantesques, incalculables nébuleuses ne constitue qu'un des atomes composant le fragment d'un simple cheveu de Dieu.